jeudi 22 octobre 2009

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Dans mon milieu ce genre de chose ne se fait pas. Ce genre de spectacle est réservé aux initiés, en gros à l'élite, aux privilégiés. Ce n'est pas pour nous parce qu'il faut s'y entendre un peu, être connaisseur et puis on a peur de s'ennuyer. Et on a peur aussi de nos préjugés, on est pas du même monde, on va passer pour des ploucs si on ne se déguise pas en prout-prout.

Que nenni. Barrières mentales à la con. Le concert de musique classique devrait s'adresser à tous. J'ai à l'esprit une conversation rapportée par ma mère. Son employeur, prof d'anglais dans un lycée technique s'adressant à sa femme de ménage (ma mère) trouvait naturel de ne pas envoyer ses élèves à l'opéra parce que c'était comme donner de la confiture aux cochons, ils n'aimeraient pas et de toute façon ne comprendraient rien. Apparemment je ne suis pas la seule à jouer du préjugé et comprends pourquoi les enfants des zep n'auront jamais le loisir de découvrir autre chose que les centres commerciaux, espace culturel par défaut. La consommation comme culture, voilà une maxime chère à notre président. Cette France-là, inégale, m'énerve.

J'étais assise à côté d'une gamine de 5 ans et de sa jolie frange blonde, bien peignée à droite et moi, j'étais là, pas très à l'aise avec ma place gratuite et sans mes mômes. Je me suis dit, merde ce n'est pas juste, il faudrait vraiment qu'ils vivent ça un jour. C'est beau et impressionnant un orchestre au complet, tous ces violons, altos, violoncelles, contrebasses "Regarde celui-ci ! il est surmonté d'une tête de dragon sculpté." Flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors, trompettes, trombones, tuba, timbales, percussions... Sans oublier les stars, le piano à roulettes et le chef d'orchestre sans baguette.

Ramassés en un si petit espace et si hétéroclites, on avait peine à croire qu'une musique harmonieuse allait sortir de cet ensemble, d'autant que les échauffements de chacun livraient un charivari monstrueux. Et pourtant l'alchimie avait opèré, à l'arrivée de K. Karabits public et instruments s'étaient tu illico jusqu'au déroutant Wailing de Lu Wang. Comment qualifier l'oeuvre de cette jeune chinoise ? 8' durant lesquelles j'ai pensé à un drôle de mix, une musique de dessin animé de Tex Avery couplée à celle d'un film. Très étonnant.
Le 3è concerto pour piano et orchestre de Rachmaninov fut assez risible. Le pianiste Nikolai Demidenko en faisait des tonnes, on aurait dit un roseau en pleine tempête et ses longues plages romantiques étaient vraiment pénibles. J'attendais avec impatience la prestation du cymbaliste qui à chaque claquement levait haut une jambe, ce drôle de flamant rose avait le nez rouge comme un poivrot et jurait avec ses élégants comparses.

Après l'entracte, la magie m'est tombée dessus. Je suis rentrée dans la musique. La symphonie n°6 de Chostakovitch. J'étais transportée, scotchée autant par l'oeuvre que par la performance. Pas de temps mort, les musiciens étaient tous à la tâche, pas un à se gratter le nez, fallait voir cette forêt d'archets, tantôt guerrière, droits comme des lances ou sensuelle, glissant lentement et doucement sur la corde pour sortir de longs gémissements, et le K. K. à fond dans sa course équestre, du haut de son pupitre il trottait tel un jeune poulain. Tous suaient l'énergie. Un spectacle sidérant et prenant. Vraiment beau moment.

Faudrait vraiment que je partage ce genre d'émotion avec mes mômes.

vendredi 9 octobre 2009

Statuette des puces de Saint-Ouen. Il y a 17 ans.

Toute de bois vêtue aujourd'hui. Les muscles des bras et des jambes endoloris comme pétris d'effort; les seins lourds et pointants, douloureux; le doigt gonflé, trop durement cerclé
pour supporter n'importe quel type de bague. Exceptée l'alliance, perdue il y a quelque temps. A force de la tripoter pour me rassurer ou comme si elle me démangeait de doutes et de rancoeurs. Je ne porte plus l'alliance et j'ai enfin l'esprit libre, elle avait un drôle de goût, bien trop fabriquée, trop trafiquée.
Alors ce jour de commémoration je ne sais pas comment l'accueillir, c'était une fête et je ne m'en souviens pas comme d'une fête. Il y avait bien tous ces ballons flottants retenus par un fil auxquels ils avaient accroché nos portraits à tous âges. Il y avait bien des invités. Des danseurs. C'était pourtant bien une fête.
Quand j'y repense une seule musique résonne encore. La gaîté parisienne d'Offenbach et sa barcarolle. J'avais trouvé une version chantée, c'était une chanteuse lyrique à la voix cristalline, l'adjointe de mairie, subjuguée, était repartie avec mon cd-r et certainement qu'elle l'aura refourgué à d'autres couples vierges de musique nuptiale.
Etrange ce jour. Ce matin j'ai vu une voiture avec des rubans aux rétroviseurs et à l'essuie-glace arrière. Ce matin il y avait du soleil et il faisait un peu frisquet comme il y a cinq ans. Je ne regrette pas ce jour. Je ne sais juste pas comment le recevoir.
Je nous préfère maintenant. Aujourd'hui. Nous fêter, nous. Pas ce jour.

vendredi 2 octobre 2009

"- Pouvez-vous épeler ? - Tournus ? Ben ça s'écrit comme anus !"

Hier soir en regardant un reportage du jt de France 2 consacré à un centre d'appels France Télécom, je me suis souvenue de l'appel de ce Monsieur Tournus comme anus et de mon fou rire incontrôlé à 2 semaines de la fin de mon putain de contrat qui me liait à cette boîte pourrie qui fournit encore aujourd'hui en moult services un nombre considérable de grandes enseignes. Une boîte dont le logo est un smiley sans yeux dont le sourire ponctué d'une flêche devrait plutôt l'être d'un doigt d'honneur tellement cette boîte entube profond ses salariés : code du travail à la chinoise, salariés-bétail traités comme de la merde, objectifs déments, horaires déments, managers sortis fin de 3è ayant des euros à la place des yeux et du fromage à la place de la cervelle, éthique du rendement au détriment du client "du chiffre du chiffre rien que du chiffre" "même sans le consentement du client, c'est bien ça ? avais-je lancé au sous big boss." La boîte de Poitiers venait d'essaimer dans la région son petit dernier, fallait que ça tourne à n'importe quel prix. La DRH avec sa gueule à la Fougerolles avait dragué tout ce qu'elle avait pu, des vieilles, des vieux, des jeunes, beaucoup de minorités beurs et noirs - c'est là que j'ai connu mon dépucelage raciste du beur envers le noir qui pue, du beur envers le sale blanc. Un monde dans toute sa crasse splendeur. Appels sur écoute, minutés, script à respecter, lever le doigt pour faire pipi, stress en continu, infantilisation, notations inscrites au tableau, insultes pour les plus faibles et ridiculisation devant l'équipe. Même pas deux semaines qu'il avait commencé à tyranniser son team qu'il avait fallu appeler les pompiers pour ce connard de manager parce qu'il avait très mal au ventre... aux urgences pour constipation, 2 semaines à faire chier les autres à défaut de son derche. Les absences se pesaient au kilo, les mines en pleurs, renfrognées, déprimées, abandons, vol de souris, de claviers, foutage de gueule permanent envers le client à qui on refilait bobards sur bobards,vous les clients racistes, hurlants, méprisants (surtout les pète-sec parisiens - pas du tout gentils les parisiens), abonnés à l'aide sociale, mères de famille fauchées, connards, etc. Alors dans tout ce merdier, je me souviens bien de ce Monsieur Tournus comme anus qui m'avait fait rire au mépris des règles strictes que je ne respectais plus puisque je n'étais rien pour cette boîte, qu'un pion qu'on baladait de carottes en promesses non tenues, et j'avais relâché d'un éclat de rire en éclats de rire tout ce stress accumulé, ce putain de stress qui faisait que je ne supportais plus le bruit de mes enfants, les remarques de mon mari, j'en étais à détester les autres, alors à ce stade pourquoi pas le suicide ?

Sur le site "Note ton entreprise", on peut relever un tas de commentaires dithyrambiques :

Le 14 Juillet 2009:
Salaire misérable, mépris vis à vis de l'employé, mensonge constant vis à vis des collaborateurs,encadrement de proximité incompétent, management digne d'un pays en voie de développement, stress, ambiance déplorable, encadrement persuadé d'être "les plus intelligents et les plus forts".... Je ne connais personne qui ait envie de rester dans cette usine du tertiaire, mais les gens sont coincés (les gosses, les crédits, les factures, l'enfer du quotidien quoi...) ... à déconseiller même pour un boulot alimentaire.....


Lors de la formation, on nous disait la qualité avant tout, mais sur le terrain c\'était une autre chanson : il faut tenir les objectifs à tout prix quitte à bâcler la qualité et se foutre de la gueule du client. En ce qui concerne le personnel encadrant, à part passer leur temps à concocter des challenges à deux balles où on peut gagner un paquet de fraises tagada ou accrocher des ballons sur le manager de l\'équipe adverse, on se demande à quoi ils servent. Une entreprise où on se fout de votre gueule presque ouvertement, un management infantilisant et incompétent dans l\'ensemble, ne peut se targuer d\'être une entreprise peu attractive, à éviter si vous le pouvez, où alors pour un passage très court.

le Mc Donald de la téléphonie. Le management y est médiocre, le salaire pas super, les horaires épuisants, le matériels souvent en mauvais état et les avantages CE presque inexistant. Mais je crois que le pire est la gestion de l'être humain car il n'y a quasiment aucune considération pour le conseiller qui doit simplement faire ses chiffres et qui est prié de se taire. Ironie du sort pour cette entreprise de télécommunication, le principal problème est bien la communication. Hypocrisie, fausse compassion et léchage de bottes

Etc, etc, etc.